Présentation « La vie est toujours un bien » par le cardinal K Farrel
« La vie est toujours un bien » (Evangelium vitae, 31) et doit être présentée, préservée et valorisée comme telle dans toutes les situations. À travers ce bref manuel que nous présentons à l’occasion du 30e anniversaire de l’encyclique Evangelium vitae, publiée le 25 mars 1995, l’Église veut réaffirmer les paroles de saint Jean-Paul II, citées à plusieurs reprises par le pape François, et éveiller la conscience de toutes les personnes de bonne volonté qui souhaitent se mettre au service des communautés pour la défense et la promotion effectives de la vie de toute personne humaine. Par ces temps marqués par de graves violations de la dignité de l’être humain dans tant de pays tourmentés par les guerres et toutes sortes de violences (en particulier sur les femmes, les enfants avant et après la naissance, les adolescents, les personnes handicapées, les personnes âgées, les pauvres, les migrants), il est urgent de mettre sur pied une véritable Pastorale de la Vie Humaine capable de traduire dans les faits ce qui a été réaffirmé par la récente Déclaration Dignitas infinita du Dicastère pour la Doctrine de la Foi : « Une infinie dignité, inaliénablement fondée dans son être même, appartient à chaque personne humaine, en toutes circonstances et quel que soit l’état ou la situation dans laquelle elle se trouve » (n.1). La vie de tout être humain, homme comme femme, doit donc toujours être respectée, préservée et défendue. Ce principe, reconnaissable par la seule raison, doit être mis en œuvre dans chaque pays, dans chaque village, dans chaque foyer.
Il y va de la cohérence du message de l’Église catholique sur la valeur de la personne humaine (cf. Evangelii gaudium, 214) : aujourd’hui plus que jamais, l’Église nous exhorte à mettre le respect de la dignité et de la vie de toute personne au centre de notre engagement pour le bien commun et la fraternité (cf. Dignitas infinita, 1). En effet, trop de malentendus, trop de mystifications, trop de pratiques et habitudes sociales dévoyées, légitimées par des lois injustes, nous font perdre de vue le fait que la vie de toute personne est vraiment toujours un bien. « Quand nous parlons de l’homme, n’oublions jamais toutes les atteintes à la sacralité de la vie humaine. La plaie de l’avortement est une atteinte à la vie. Laisser mourir nos frères sur des barques 5 dans le canal de Sicile est une atteinte à la vie. La mort sur le lieu de travail parce que l’on ne respecte pas les conditions de sécurité minimum est une atteinte à la vie. La mort par dénutrition est une atteinte à la vie. Le terrorisme, la guerre, la violence sont des atteintes à la vie ; mais l’euthanasie aussi. Aimer la vie, c’est toujours prendre soin de l’autre, vouloir son bien, cultiver et respecter sa dignité transcendante ». (François, Discours aux participants à la rencontre organisée par l’Association “Science et Vie”, 30 mai 2015).
Nous devons veiller à ce que la valeur de la vie soit comprise et adoptée par les nouvelles générations. La dignité inaliénable de chaque être humain doit être inconditionnellement respectée. À cette fin, j’invite tous les évêques, prêtres, religieux et laïcs à lire le présent manuel et à travailler à l’élaboration d’une Pastorale de la Vie humaine organique et structurée, capable de former de manière adéquate les agents pastoraux, les éducateurs, les enseignants, les parents, les jeunes et les enfants au respect de la valeur de la vie. Je parle d’une pastorale ecclésiale “organique”, car l’Église est un organisme vivant et dynamique : c’est le Corps du Christ qui grandit. Le don inestimable de la vie lui est confié. En tant que telle, elle est appelée à toujours défendre, promouvoir et servir la vie, toute vie humaine. La Pastorale de la Vie doit donc impliquer tous les “organes” qui composent le Corps de l’Église, tous les fidèles, pasteurs et laïcs. Elle doit être une préoccupation constante et dynamique de chaque fidèle baptisé pour engendrer une action pastorale unitaire, claire et cohérente, mais en même temps bien intégrée dans toutes ses parties. Dans ce sens, ce manuel n’entend pas offrir aux Églises particulières des recettes toutes faites et définies. Il veut simplement suggérer d’engager des “processus” pour développer dans toute l’Église une Pastorale de la vie humaine. Je vous invite donc à travailler ensemble, avec l’aide du Seigneur, pour créer partout les conditions d’un accueil et d’un accompagnement constants de la vie. La vie n’est pas un « événement imprévu dont il faut se défendre, mais comme un mystère qui cache le secret de la vraie joie ». (François, Audience générale, 1er décembre 2021). L’avenir de l’Église et de l’humanité dépend de la défense et la promotion de la vie humaine, don de Dieu.
Card. Kevin J. Farrell Préfet Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie
Introduction
Synodalité et pastorale de la vie humaine
Ce manuel offre des pistes pour initier et développer une méthodologie pastorale de la vie humaine dans chaque Église particulière. Le Document final de la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques 2024 sur la synodalité, approuvé par le Pape François, a réaffirmé que « l’engagement pour la défense de la vie et des droits de la personne […] fait partie de la mission évangélisatrice que l’Église est appelée à vivre et à incarner dans l’histoire » (Document final, 151). Cet appel se fonde sur l’identité baptismale commune des fidèles, des laïcs et des pasteurs (cf. Document final, 4). Il s’adresse donc à tous. Les dons reçus au baptême sont des talents à faire fructifier pour le bien et la protection de chacun, en particulier des plus petits, des plus fragiles, des plus exposés à l’injustice. Nous devons investir dans la formation des formateurs (cf. Document final, 143) sur les questions fondamentales pour notre foi et l’exercice de la mission. En effet, nous sommes appelés non seulement à aborder les questions urgentes concernant notre capacité à préserver et à promouvoir la valeur de toute vie humaine, mais aussi à le faire avec une approche renouvelée et adéquate pour servir la mission qui nous a été confiée par le Christ. Nous avons besoin de parcours de “conversion missionnaire” (Document final, 11) à partir du modus vivendi et operandi qui qualifie l’Église, à savoir la synodalité. En ce qui concerne la mission de protéger la vie humaine, elle indique une pratique essentielle, une méthode transformative dans l’accomplissement de la mission : il est important de discerner, de partager, de transformer les esprits et les cœurs de tous afin de servir la vie humaine. « Des pratiques authentiques de synodalité permettent aux chrétiens de développer une culture capable de prophétie critique vis-à-vis de la pensée dominante. Ils peuvent ainsi offrir une contribution particulière à la recherche des réponses à nombre de défis que doivent affronter les sociétés contemporaines, ainsi qu’à la construction du bien commun » (Document final, 47)
C’est pourquoi, dans ce manuel, nous proposons non seulement des points de réflexion et d’action pastorale sur des questions urgentes pour les Églises particulières, mais aussi une méthodologie de travail basée sur la conversation dans l’Esprit et le discernement, qui, nous l’espérons, aidera à la conversion et à la formation des fidèles laïcs et des ministres ordonnés. En effet, la conversation dans l’Esprit est un outil fécond qui favorise l’écoute et le discernement de « ce que l’Esprit dit aux Églises » (Ap 2,7 ; cf. Document final, 45), y compris en ce qui concerne l’identification de la méthode et des domaines de travail à faire pour promouvoir et défendre toute vie humaine. La conversion est toujours en jeu dans la conversation, puisque la dynamique de l’écoute dans le partage ouvre de nouvelles manières d’être et de nouveaux chemins dans les cœurs et dans la communauté. Rappelons que « le discernement ecclésial n’est pas une technique d’organisation, mais une pratique spirituelle à vivre dans la foi. Il requiert la liberté intérieure, l’humilité, la prière, la confiance réciproque, l’ouverture à la nouveauté et l’abandon à la volonté de Dieu » (Document final, 82). Et il « se déroule toujours dans un contexte concret » (Document final, 85) : c’est pourquoi, à notre avis, il est nécessaire de partir de la réalité que les évêques nous présentent lors des visites ad limina Apostolorum. En effet, ils nous signalent avec préoccupation les défis les plus urgents que l’Église doit affronter au niveau local et qui mettent gravement en danger la protection de tant de vies humaines. Ces mêmes défis ont été affrontés par notre Dicastère et les responsables des Bureaux pour la famille des Conférences épiscopales du monde entier, lors d’un webinaire qui s’est tenu en avril 2024 et qui a jeté les bases de ce travail commun.
D’innombrables attitudes conduisent aujourd’hui à la marginalisation et à la mise à l’écart des personnes. Leur dignité est ainsi violée par des pratiques qui les excluent systématiquement. Pensons par exemple aux enfants, dès le ventre de leur mère, aux personnes âgées, aux pauvres, à la situation des femmes dans de nombreux pays (cf. Document final, 54). Ces attitudes se développent dans des contextes de solitude, d’abandon social, de peur, de désespoir, de pauvreté. On le retrouve aussi au sein des familles et dans la rue. Pourtant, les familles sont par définition les lieux où devraient naître les relations d’amour, d’accueil, de fraternité. La première conversion relationnelle entre les personnes, entre les générations, entre les communautés et les villages devrait donc commencer à l’intérieur même des familles. Ces dernières années, la prise de conscience autour du rôle des familles, non plus seulement comme les destinataires mais en tant qu’agents de la pastorale familiale est allée grandissante. (Cf. Document final, 64). Cela vaut en particulier pour leur rôle irremplaçable dans l’éducation à la valorisation et au respect de la dignité de la personne et de chaque vie humaine. Sur le plan pastoral, il devient donc nécessaire de penser la formation des formateurs (cf. Document final, 143) à partir de la méthode synodale, afin qu’ils sachent accompagner, dans les contextes locaux, les jeunes, les adultes, les couples et les familles, à un discernement toujours orienté à protéger et sauver la vie.
Cela implique une transformation de la programmation de la pastorale dans les paroisses et les diocèses, afin de développer une action systématique de formation, d’accueil et d’accompagnement approprié sur les questions liées à la vie humaine, à chaque étape de son développement et face à toutes les situations de la vie, conformément à l’enseignement du Pape François. Le Saint-Père nous rappelle en effet que « Tout être humain a le droit de vivre dans la dignité et de se développer pleinement » (Fratelli tutti, 107). Ces thèmes doivent imprégner de manière transversale tous les domaines de la pastorale : la prédication, l’initiation chrétienne, la mystagogie, la catéchèse, la charité, l’éducation des personnes pendant toutes les étapes de la vie chrétienne. Nous espérons donc que ce bref manuel vous permettra de vous engager sur un chemin ecclésial de conversion authentique à des méthodes de travail synodales et efficaces pour venir soutenir la vie humaine là où elle est encore outragée, menacée, rejetée, sélectionnée.
L’invitation du Pape François « Chers frères et sœurs, toute vie humaine, unique et irremplaçable, vaut pour elle-même, et représente une valeur inestimable. Cela doit toujours être annoncé à nouveau, avec le courage de la parole et le courage des actions. Cela appelle à la solidarité et à l’amour fraternel pour la grande famille humaine et pour chacun de ses membres ». (Audience générale du 25 mars 2020, XXVe Anniversaire de Evangelium Vitae)
Comment répondre à l’invitation Nous souhaitons travailler et réfléchir ensemble pour construire une Pastorale de la Vie Humaine organique qui, à partir du respect de la dignité, de la vie et de l’intégrité de tout être humain, soit une expression adéquate de l’engagement évangélisateur et pédagogique de l’Église dans les familles, les communautés, les diocèses et les paroisses du monde entier.
Laïcs et pasteurs, nous sommes tous appelés à contribuer à une action ecclésiale efficace et décisive pour nous former réciproquement sur les questions qui mettent gravement en péril le respect de la dignité et de la vie des êtres humains, pour former les consciences et accompagner les fidèles dans un discernement cohérent avec l’anthropologie chrétienne, le Magistère et les vérités de notre foi. Le Pape François nous rappelle que nous avons le devoir de cultiver une sagesse qui nous conduit « à considérer la qualité éthique et spirituelle de la vie à toutes ses étapes. Il existe une vie humaine conçue, une vie en gestation, une vie qui naît, une vie d’enfant, une vie adolescente, une vie adulte, une vie vieillie et consumée — et il existe la vie éternelle » (Discours aux participants à l’assemblée plénière de l’académie pontificale pour la vie, 25 juin 2018). Les formes extrêmement graves de violation de la dignité et de la vie de l’être humain – telles que l’avortement, l’euthanasie et suicide assisté, l’insémination artificielle, la gestation pour autrui et toutes les formes de violence et d’abus, y compris la guerre, le drame des enfants et adolescents-soldats, le terrorisme, la violence numérique et l’idéologie du genre, l’abandon des pauvres et des migrants, le refoulement des migrants, l’insécurité sur les lieux de travail, l’abandon des personnes âgées – sont un « signe éloquent d’une crise très dangereuse du sens moral, qui devient toujours plus incapable de distinguer entre le bien et le mal […]. Devant une situation aussi grave, le courage de regarder la vérité en face et d’appeler les choses par leur nom est plus que jamais nécessaire, sans céder à des compromis par facilité ou à la tentation de s’abuser soi-même ». (Dignitas infinita, 47). « Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal, qui font des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres » (Is 5,20) L’un des traits qui caractérisent notre société d’aujourd’hui est que nous avons perdu la capacité d’identifier le bien et le mal. Beaucoup considèrent le bien et le mal comme des opposés ayant le même poids moral. D’autres considèrent le mal comme quelque chose de nécessaire pour atteindre le bien. Mais au fond, le bien seul a une substance et une valeur. Le mal est un manque de bien, pas un certain bien. Il est donc urgent d’investir dans la formation des consciences. En effet, toute confusion entre le bien et le mal conduit à un sentiment de vide et de graves souffrances dans la vie personnelle et sociale.
FONDEMENTS
L’action pastorale est toujours sous-tendue par une théologie pastorale, c’est-à-dire une réflexion systématique de nature pratique liée à la promotion et à la défense de la vie humaine.
À travers l’action pastorale, l’Église exprime l’intervention continue et bienveillante de Dieu dans l’histoire de chaque personne.
L’Évangile de la vie, aussi original et profond soit-il, n’est pas une simple réflexion ; c’est une réalité concrète et personnelle, car elle consiste en l’annonce de la personne même de Jésus-Christ. Cet aspect ne doit pas être oublié dans la défense et la protection de toute vie humaine. C’est pourquoi l’expression “vie humaine” renvoie à chaque personne individuelle, qui doit toujours être préservée, accueillie, accompagnée comme un temple sacré de la présence de Dieu.
La Pastorale de la Vie humaine concerne tout l’être humain de manière transversale.
Elle s’inscrit dans un dialogue en Église : au niveau universel (les organes compétents du Saint-Siège/Dicastères), au niveau des Églises particulières (Conférences épiscopales et Diocèses), et d’autres organisations (Universités, Associations, etc.)
Elle est attentive aux différentes étapes de la vie humaine et aux conditions de la vie sociale qui sont à l’origine des inégalités et de l’injustice.
Une écoute attentive des expériences partagées par les évêques lors des visites ad limina, ainsi que le témoignage des associations ecclésiales a révélé une préoccupation généralisée liée aux graves violations de la vie humaine ainsi qu’un besoin évident d’élargir le regard au-delà des questions du début et de la fin de la vie, qui restent néanmoins une priorité.
Il existe aujourd’hui des “périphéries existentielles” à l’égard desquelles l’Église doit développer de nouvelles compétences capables d’accompagner les jeunes, les familles et les communautés. Il nous revient d’aider ceux qui font l’expérience de la solitude, du désespoir et du vide spirituel, particulièrement dans les contextes où sévit la pauvreté extrême. En outre, la relativisation de la valeur de la vie humaine s’étend aussi aux domaines qui touchent au développement économique et social de tant de peuples dans le monde : elle produit la “culture du déchet”. C’est le cas par exemple de l’abandon des personnes âgées, la violence sur les femmes, la maltraitance des enfants, la pauvreté).
Nous devons nous engager courageusement afin que « tout être humain doit être reconnu et traité avec respect et amour, précisément en raison de sa dignité inaliénable ». (Dignitas infinita, 2) Ce principe, pleinement reconnaissable par la raison humaine, est « une valeur évangélique, qui ne peut être méprisée sans offenser gravement le Créateur ». (Cf. Dignitas infinita, 4)
Le projet en tant que processus de transformation intégral
Dans le domaine pastoral, le projet d’une Pastorale de la Vie Humaine doit être conçu comme un dynamisme intégral inscrit dans la communauté chrétienne et les relations ecclésiales. Le but de la conception du projet n’est pas seulement de parvenir à un accord sur les objectifs, les activités, les rôles, les contenus, dans un projet écrit. Il s’agit plutôt de mettre en place un processus de transformation de celui qui élabore le projet, une conversion pastorale.
Construire une intelligence ecclésiale
Essayons de construire une intelligence ecclésiale à travers une réflexion cohérente, le dialogue, l’écoute, l’observation d’une réalité dans laquelle la vie humaine est de plus en plus outragée et rejetée. Nous devons “penser ensemble” et expérimenter l’effet créatif du discernement et de la conversation dans l’Esprit dans chaque communauté ecclésiale, diocèse, paroisse, école et groupes familiaux. Travailler seul n’est pas efficace ! Les apôtres n’avaient pas de projet au départ, mais ils ont répondu à une vocation, à un appel qui déterminait leur identité de disciples et le contenu de leur mission.
Anthropologie intégrale : fondement de la coresponsabilité
L’anthropologie chrétienne embrasse toute la réalité de l’homme et de la femme et est donc dite “intégrale”. Elle permet de saisir dans l’être humain la présence d’un appel, la vocation à la conversion et à la sequela du Seigneur Jésus. Suivre le Christ fait de chaque chrétien un disciple missionnaire coresponsable de la mission de l’Église. La vision anthropologique intégrale porte donc en elle la coresponsabilité de tous à l’égard de la mission. C’est la communauté dans son ensemble (jeunes, parents, éducateurs, personnes consacrées, prêtres et laïcs) qui, dans un échange des dons, et grâce aux différences de formation, de tâches, de charismes et de diplômes, participe à la mission évangélisatrice de l’Église. Il est bon de rappeler que « le bien commun présuppose le respect de la personne humaine comme telle, avec des droits fondamentaux et inaliénables ordonnés à son développement intégral » (Laudato si’, 157).
(Dans de nombreux pays, l’attention réservée aux questions de la vie est maintenue par les mouvements pro-life, mais beaucoup d’entre eux mènent surtout des actions civiles et politiques. La pastorale est une action ecclésiale de la communauté chrétienne, laïcs et prêtres confondus, qui ne peut être déléguée. Son champ d’action s’étend à toutes les situations où la dignité humaine est menacée. Elle ne saurait se limiter à des domaines spécifiques.)
Un style de formation
Nous devons adopter un style de formation capable de conjuguer ensemble objectifs, vocation, vision et mission. Les conférences épiscopales et les diocèses se sont dotés de bureaux consacrés à la famille et à la vie, mais il n’est pas toujours aisé de passer à l’action pastorale. La multiplication des projets, l’improvisation, l’incohérence des objectifs, la sectorisation et le caractère aléatoire des initiatives peuvent rendre inefficace le travail de la pastorale de formation et d’éducation à la vie.
Que devrions-nous faire pour commencer ce parcours pastoral ensemble?
Il faudra peut-être repenser le style de la pastorale, la manière d’annoncer et de faire réfléchir sur des valeurs dont on ne parle plus en famille. Nous devons plus rien prendre pour acquis : aujourd’hui, les valeurs et les critères du discernement fondés sur notre foi ne sont pas transmis, pas même la valeur inviolable de la vie humaine, de la conception à la mort naturelle. Nous devons stimuler la réflexion à partir des questions qui surgissent de la vie quotidienne des personnes. Nous avons besoin de profondeur, de clarté, d’un langage simple à la portée de tous. En même temps, nous devons rester vigilants car se rendre compréhensibles ne signifie pas devenir des relativistes du message chrétien.
« L’illusion que l’on puisse trouver dans le relativisme moral la clé d’une coexistence pacifique, est en réalité l’origine des divisions et de la négation de la dignité des êtres humains. (Dignitas infinita, 30)
Chaque situation est unique. Chaque personne qui souhaite s’engager dans un travail pastoral est unique. L’intelligence des situations, l’empathie, l’intuition et la sagesse pratique sont nécessaires pour mettre en œuvre le projet. C’est pourquoi le modèle d’élaboration du projet proposé est formateur et transformateur, non seulement pour ce qui est des résultats, mais aussi au niveau des personnes qui conçoivent le projet.
Une méthode pour les agents de la pastorale
Le point de départ de la conception du projet pastoral est le contact avec la réalité, telle quelle. Imaginons Jésus marchant dans les rues, voyant des situations concrètes, rencontrant les personnes, les comprenant à partir de la rencontre et de la relation, et non pas à partir de données statistiques (utiles, mais non exhaustives). Pour les agents pastoraux, il s’agit d’une phase de brainstorming descriptif, visant à mettre en lumière la réalité à travers différents types de connaissances que les membres de la communauté possèdent, avec leurs expériences et leurs différents points de vue. Ainsi, les objectifs ne seront pas imposés a priori, mais émergeront éventuellement du discernement communautaire.
Après la description de la situation, la communauté pastorale passe à l’interprétation critique de la réalité à la lumière de la foi, de l’Évangile et du Magistère de l’Église. En d’autres termes, il s’agit de répondre à la question : quel besoin émerge de cette situation concrète ? Quel cri cette situation nous lance-t-elle comme chrétiens ?
Puis, c’est le moment d’écouter dans cet appel de la réalité une invitation personnelle, une vocation, un véritable appel à la conversion. On reconnaît que c’est Dieu lui-même, à travers des situations concrètes, qui parle au cœur des personnes afin qu’ils prennent en charge les situations, comme le bon Samaritain a pris en charge son frère. On se demande finalement : à quoi cette situation nous appelle-t-elle ?
Pendant la quatrième étape du projet, la communauté élabore la vision, propose de petites expérimentations pastorales pratiques dans la direction indiquée par le discernement et répond aux besoins identifiés par la communauté.
C’est à ce stade que se situe le moment le plus caractéristique de l’élaboration du projet : la planification opérationnelle. Il s’agit d’une planification où sont établis les objectifs généraux à réaliser : processus, événements ou activités déterminés. En même temps, il s’agit d’une conception ouverte à l’action de l’Esprit Saint, qui requiert un discernement, un ajustement et un apprentissage continus, nécessaires à l’adaptation dans la phase de mise en œuvre.
Aptitudes requises
Un leadership pour la vie : Le résultat final d’un projet pastoral dépend de la formation de leaders pastoraux qui prennent en charge la mission pour la vie.
La fidélité créative. On entend par fidélité créative la capacité de saisir la richesse de la tradition des enseignements de l’Église et en même temps la capacité d’en tirer des indications pour le présent.
Le discernement est un regard profond sur la réalité et sur soi-même : l’être humain se met à l’écoute d’une réalité qui le dépasse et dans laquelle parle l’Esprit Saint. Il s’agit de laisser le Seigneur éclairer la conscience par son Esprit afin de comprendre ce qui est bon et la direction à prendre. C’est pourquoi le discernement se vit dans un climat de prière, d’écoute de la Parole, du Magistère et de lecture des Signes des Temps. Dans le contexte de la communauté chrétienne, il permet au groupe qui discerne d’écouter ce que « l’Esprit dit aux Églises» (Ap 2,7) à un moment donné et d’éviter que les décisions soient prises sur la base de critères purement humains.
La cohérence opérationnelle. C’est la capacité d’harmoniser la différence entre la vision que l’on voudrait suivre et la réalité de départ. Elle permet de développer des stratégies possibles en fonction des forces disponibles.
La mentalité de l’abondance. C’est la capacité de voir dans la diversité des membres qui composent un groupe de travail ou de service une opportunité plutôt qu’une limite. Valoriser les contributions de chacun fait grandir la communion, dans le multiculturalisme et la sensibilité historique.
L’accompagnement génératif est la vertu qui met en œuvre un dialogue génératif constant, qui implique un niveau élevé de considération pour l’autre et se traduit par une capacité d’écoute et un niveau élevé de courage dans les propositions.
La logique de l’intégration synergique est la capacité à penser pour le bien de tous, non pas en trouvant seulement des solutions basées sur des compromis, mais aussi en créant des solutions tierces qui sont meilleures que les précédentes.
Les agents pastoraux
Pour promouvoir et diffuser la “culture de la vie”, il est essentiel de former adéquatement les fidèles au respect de la personne et de la vie humaine ; de proposer les vérités de la raison illuminées par les vérités de la foi ; de faire connaître les documents du Magistère sur les fondements éthiques et théologiques de la valeur de la vie humaine et leurs applications pratiques.
C’est pourquoi il est nécessaire de créer des espaces de rencontre et de dialogue avec un langage clair, cohérent avec le Magistère ; de témoigner et de former au respect de la dignité de la personne humaine dans tous les domaines pastoraux : dans la catéchèse des enfants et des adultes, dans la pastorale des jeunes, dans l’accompagnement des fiancés, des familles, dans les contextes missionnaires, dans les universités catholiques et les écoles catholiques.
Il est surtout nécessaire de former des agents pastoraux qui, à leur tour, sauront former les familles, les époux, les jeunes, au respect de la vie humaine dans leurs choix de vie quotidienne. Nous vivons une époque de grande désorientation existentielle et spirituelle, face à laquelle les fidèles laïcs ont besoin d’un accompagnement moral et spirituel. Nous avons besoin de prêtres et de laïcs capables et disponibles pour ce ministère.
On ne peut pas séparer la foi et la défense de la dignité et de la vie humaine. « Aucune anthropologie n’égale celle de l’Église sur la personne humaine […] en ce qui concerne sa dignité, son intangibilité, sa sacralité, son éducabilité» (S.Paul VI, 4 sept. 1968). La dignité existe, ne peut jamais être perdue en vertu du fait que le sujet existe et s’étend à tutta sa personne, indépendamment de ses capacités, quelles que soient la condition et la situation dans lesquelles elle se trouve et de la conception jusqu’à la mort naturelle. Aujourd’hui, cette vérité doit être expliquée, racontée, annoncée.
Thèmes
Les thèmes abordés par la Pastorale de la vie humaine changent en fonction des réalités géographiques et culturelles. Ils doivent être identifiés en fonction des priorités des Églises particulières. Chaque thème doit être approfondi au cours des moments de formation. La liste suivante ne prétend pas à l’exclusivité ou à l’exhaustivité, mais a pour seule fonction de donner quelques suggestions aux diocèses et aux paroisses sur certaines des macro-questions qui ressortent le plus clairement des visites ad limina des évêques et qui peuvent présenter un intérêt pour les différents contextes pastoraux.
DÉBUT DE VIE La vie comme un don Affectivité et sexualité conjugales Prendre soin de la vie naissante Signification morale de la procréation responsable et du contrôle des naissances Beauté et vocation de la paternité et de la maternité Menace d’eugénisme prénatal Avortement volontaire Problèmes de stérilisation Infertilité /stérilité Problèmes moraux de la fécondation in vitro Infanticide Gestation pour autrui Dénatalité Accompagnement et soins des femmes qui ont vécu un avortement.
DURANT LA VIE Respect et dignité des femmes Réciprocité entre homme et femme et valeur de la différence sexuelle Accompagnement des fragilités Lutte contre les discriminations envers les personnes handicapées Protection des migrants Protection des patients psychiatriques et de leurs familles Prévention du drame des suicides (notamment parmi les adolescents et les jeunes) – Éducation à la solidarité et à la subsidiarité Guerre Traite des êtres humains Déportation – Esclavage Conditions de travail indignes et dangereuses Détention dans des conditions indignes – Politiques sanitaires et soins de qualité pour tous Soins de santé pour les pauvres
Nouvelles formes de pauvreté (manque de travail et de dignité du travail, pauvreté relationnelle dans les communautés et les familles)- Drogues et addictions Addiction à la réalité virtuelle du numérique Violences sur les femmes et les mineurs Violences numériques Harcèlement Cybersexe Valeur de la vieillesse Adoption et placement familiale.
FIN DE VIE Soins palliatifs Don et greffes d’organes Accompagnement spirituel des malades, des mourants et de leur famille Testament biologique/directives anticipées de traitement Euthanasie Suicide assisté Peine de mort.
THÈMES TRANSVERSAUX Être enfants Être des créatures Soins de la personne et protection de la création dans la perspective de l’écologie intégrale Liberté religieuse et objection de conscience Éducation des enfants et des jeunes Éducation affective et sexuelle Idéologie du genre Développement intégral de la personne.
RECHERCHE Dignité des embryons humains Recherche sur les êtres humains – Manipulations génétiques.
Moyens
CRÉER DES PARCOURS DE FORMATION
Promouvoir et former à une vision anthropologique chrétienne consciente et partagée par la communauté.
Former les consciences et accompagner les fidèles dans un discernement cohérent avec l’anthropologie chrétienne, le Magistère et les vérités de la foi.
Fournir à la pastorale des jeunes une formation sur les fondements et les questions concernant la valeur de la vie humaine.
Renforcer la spiritualité familiale et les liens conjugaux et familiaux.
Formation aux valeurs liées à la parentalité, à la sexualité et aux soins
Offrir des moments de formation, de dialogue et de discussion sur les questions de la vie dans la communauté paroissiale et diocésaine, en utilisant une méthode inductive, à partir des questions qui se posent dans la vie pratique des gens.
Profiter de la collaboration des experts des universités catholiques qui travaillent avec la pastorale diocésaine pour créer des sessions de formation, des structures de rencontre et d’accueil, des centres d’accompagnement personnel et familial.
Organiser des séminaires d’étude et des sessions de formation interdisciplinaire au sein des conférences épiscopales et des Églises particulières pour les pasteurs et les agents pastoraux.
Formation des parents et des enseignants dans les écoles catholiques.
Faire recours aux ressources humaines et pédagogiques des Instituts pour la Famille des universités catholiques qui adhèrent au Family Global Compact.
Promouvoir un engagement formatif dans la pastorale de l’enfance dans les paroisses et les diocèses : former les enfants à la valeur de la vie humaine par des expériences et un langage appropriés.
Promouvoir des initiatives appropriées pour offrir des alternatives concrètes à l’avortement, à la fécondation in vitro, à l’euthanasie et au suicide. Promouvoir la création de centres de conseil d’inspiration chrétienne et de centres d’aide à la vie pour les personnes en difficulté, capables d’offrir de l’espérance et un soutien matériel, moral et spirituel. Créer un conseil diocésain pour la pastorale de la vie. Assurer la transversalité et la coordination entre les domaines pastoraux afin de concevoir et de proposer conjointement une Pastorale de la vie humaine.
Créer des tables de travail stables entre les responsables des Instituts pour la famille des Universités catholiques du REDIUF et les responsables diocésains et nationaux de la Pastorale de la Vie.
Dialogue entre les paroisses, les écoles, les familles, les associations et les mouvements pour un travail commun de développement de la “culture de la vie”, en mettant les ressources de chacun au service de tous.
Favoriser le dialogue sur les questions de vie avec les institutions et le monde de la culture.
Intensifier l’engagement pour la vie dans le dialogue politique national et international.
Mission : cultiver les “semences de l’espérance”
Respecte, défends, aime, sers la vie, toute vie humaine !
Ne nous décourageons pas face à la sécularisation, à la perte des valeurs chrétiennes, aux lois qui légitiment la suppression de la vie dans le monde. Continuons à cultiver un dialogue confiant avec la culture, afin que chaque nouvelle génération connaisse la vérité sur la valeur inestimable de toute vie humaine.
En tant que croyants, nous sommes certains que les “semences de vie” sont plus fortes que les “semences de mort”. Notre force est d’initier des processus (cf. Evangelii gaudium 223), d’en prendre soin pour que la beauté de l’Évangile de la vie resplendisse à nouveau dans le monde entier.
Soyons proactifs, plutôt que d’attendre le moment parfait qui ne viendra jamais. Il y a des vies qui attendent notre aide, des familles qui ont besoin de nous maintenant.
Nous ne voulons pas travailler sur des concepts abstraits, parce que la vie que nous sommes appelés à promouvoir et à défendre n’est pas un concept, mais se manifeste toujours dans une personne en chair et en os : un enfant conçu, un pauvre sur le bord de la route, un malade seul et abattu, une femme maltraitée.
Tout être humain est appelé par Dieu à jouir de la plénitude de la vie et est confié à la sollicitude maternelle de l’Église.
Nous devons agir sur le plan culturel et éducatif pour éclairer les consciences, afin qu’elles soient en mesure de saisir le sens qui se cache derrière chaque personne faible, petite, seule ou fragile.
Chaque vie humaine, unique et irremplaçable, constitue une valeur inestimable à proclamer et un appel à la solidarité et à l’amour fraternel pour toute la famille humaine. C’est pourquoi, avec saint Jean-Paul II, nous rappelons au monde l’appel qu’il nous a adressé il y a plus de trente ans : « respecte, défends, aime et sers la vie, toute vie humaine ! » (Evangelium Vitae, 5) en toute situation et étape de développement.
